ECRITURE & MISE EN SCENE
Aurore Marc
JEU
Maë Dejean
Jérôme de la Bernardie
Scarlett Audry
Florent Barret
ECRITURE & MUSIQUE
Julie Rousseau
REGARD EXTÉRIEUR AIDE À LA MISE EN SCÈNE & ACTION VOCALE
Laëtitia Boyault - La voix en action / Cie Un homme s'énerve
Intention
Selon Vladimir Jankélévitch : pour être “heureux”, ou disons pour bien habiter l’instant présent, il faut le considérer comme s’il était soit le premier, soit le dernier de notre vie.
Au départ, la montagne, la randonnée. Lors de nos premiers temps de recherche, nous posons au plateau l’univers de la montagne, propice aux introspections, à questionner sa place dans le monde. Nous trouvons des figures, inhibées dans leur corps social, mais pas complètement, quelque chose d’étrange et de grave les agite, les décale. Une menace souterraine. L’empreinte de quelque chose d’énorme qui s’est passé ? Qui va se passer ? Quelque part, la fin du monde, on ne peut pas y croire. C’est du fantasme, c’est du délire. Et bien justement.
Face à la fin de son monde intérieur ou du monde global, qu’est-ce qui jaillit ? Convoquer une atmosphère de fin du monde, c’est se rendre propice aux démantèlements de toutes les censures (comme dans Les Derniers Jours du monde des frères Larrieu), et de tous les impératifs sociaux. En travaillant à partir de la menace souterraine, nous voulons faire jaillir des élans qui dépassent le social. Nous misons sur une impression diffuse de menace car il s’agit de ne surtout pas tomber dans l’écueil d’un film-catastrophe, mais de mettre à distance la fascination de la catastrophe. Ce qui nous intéresse notamment ici, c’est de faire surgir cette illusion narcissique qui nous a dit, enfant, que le monde nous attendait, que nous avions un rôle à y jouer. Illusion qui s’estompe avec l’âge, mais est-ce qu’elle ne subsiste pas encore un peu quelque part dans notre corps adulte ? Elle a nourri nos désirs de grandeur, nous a donné l’élan de nous jeter dans le monde. Que faire quand cette illusion meurt ou fane ? Où se loge-t-elle si elle ne meurt pas tandis que le monde meurt ? Questionner l’effondrement, au sens intime, dans l’ordinaire et dans l’extraordinaire.
Le premier temps de recherche a lieu en février 2020, à quelques semaines d’un premier confinement pour crise sanitaire mondiale. Nous revenons au plateau en juin suivant, étonné·e·s de ce que nous avions commencer à toucher. Sentir cette menace et la sublimer, s’en servir pour dire ; est-ce la menace d’un monde qui s’ébranle ou bien moi, à l’intérieur qui vacille ? Face à l’urgence de la fin, il y a l’urgence de vivre.
Les figures qui sont apparues lors de nos premiers temps de résidence ont pour une partie d’entre elles, quelque chose du « quinqua », du baby boomer, quelque chose de nos parents. Venir vivre la menace d’un effondrement (intérieur versus global ou les deux liés) par le biais de figures d’une génération qui commence à vieillir, qui croit ou croyait au progrès et au travail, à un monde qui roule, ça fait quoi ? A travers elles, nous venons aussi confronter les rapports de genre. Et sous la menace de cette fin qui se rapproche, chacun·e bouillonne, écrase ou implose, se bat à sa manière pour exister. Nous le traitons par le grotesque, le poétique et le tragique.
Processus de création
La menace, la prophétie
Nous laissons les planètes qui s’engloutissent au cinéma (Melancholia, Lars Von Trier) et nous utilisons le chœur de la tragédie grecque pour porter la parole prophétique et poétique qui annoncera au commun des mortel·le·s son destin aussi tragique qu'absurde. Il n’y a pas de raison, de justification à cette fin du monde, c’est bientôt la fin de l’humain, c’est tout.
En utilisant le registre du chœur, nous convoquons une esthétique qui veut faire entrer en résonance l’histoire ordinaire et la grande histoire. D’un côté les confidences, intimes, drôles, la solitude, de l’autre le grand ébranlement, absurde et terrible. Comment tout cela frotte et se nourrit ?
Un travail sur le langage et le rythme
Nous avons employé les techniques du « laisser-dire » (Lise Avignon)* pour chercher la matière, creuser ce que l’on veut dire, puis écrire nos textes. Parfois avec des contraintes « à la manière de », comme à la manière de Charles Pennequin, ou encore l’un·e commence, l’autre lui « jette » des mots qui viennent s’inscrire et alimenter son soliloque.
Comment amener de l’étrange dans une parole « quotidienne », en faire évènement, sortir de l’anecdotique ? Le corps et le dire dans la lenteur mais pas dans l’ennui, amener de la tension là où elle n'est pas attendue. Lors de nos explorations, nous expérimentons la parole musicale, le texte comme une partition, ainsi que le travail de choralité : donner le texte en chœur, à deux, trois, quatre ou cinq voix, à un, deux, trois, quatre ou cinq corps.
Une partition musicale sur des textes aux mots simples, pauvres, populaires, mais aussi le chœur tragique, à la structure et au langage empreints de la tragédie, et chanté. La mélodie s’inspire d’artistes comme Christophe (BO Jeanne, Bruno Dumont), Brigitte Fontaine, mais aussi de la musique traditionnelle, du baroque, avec quelques envolées pop.
Action Vocale
Un travail d'action vocale va être amené par Lætitia Boyault (La voix en action, Cie Un homme s'énerve) : travailler la voix par des outils physiques, organiques, permettant de porter le jeu vers des endroits et des actions dramatiques denses et nuancées, éviter les façons de dire parfois réductrices. Ouvrir des imaginaires plus grands.
Lætitia accompagnera également BIVOUAC en aide à la mise en scène, notamment pour la construction d'une scène chantée (Prophétie).
Extrait / Chapitre I : La dune du Pilat
“Il faut dire qu’on a tous un peu plus de 50 voire un peu moins de 70 dans mon groupe, et quand on regardait le cou de Jean Luc
Quand on s’est tous penché sur ces petites peaux mortes et ses mutations de domiciles intraveineuses qui lui habitaient l’occiput
On s’est tous regardé et on s’est dit :
« Bon sang, il va pas finir la rando
Bon sang, Jean Luc, mais qu’est-ce qu’on va lui dire ? »
Heureusement que c’était derrière sa tête,
Il a pas pu nous voir
La tête qu’on faisait
Pas d’chapeau jean luc - pas d’problème - pas d’chapeau – bon – alors
Le coucher de soleil était merveilleux ce jour-là”