samedi 28 mai 2016 // 21h



Ulysse(s)

d’après le chapitre 18 (Pénélope) d’Ulysse, de James Joyce


Isabelle Lucionni - cie Oui Bizarre

U2


Le texte

« Lire "Ulysse" de James Joyce, et particulièrement le monologue final de Molly, est une aventure de lecteur vertigineuse. Le dire, est une sensation physique jouissive, organique " A s'en faire péter la machoire !" (extrait du texte) dans la respiration qu'elle implique, une expérience du souffle, qui traverse cette écriture, pulsation interne du "corps" du texte.
On en ressort dévasté, jeté sur le rivage, après avoir été emporté par les flots de cette parole ininterrompue. Ivre de joie.
Ce livre a été écrit sur huit années par épisodes, dans des revues.
Le roman se déroule sur une seule journée à Dublin (nous suivons Léopold Bloom de 8h du matin à 3h du matin). Il se compose de 18 épisodes. Ce sont des variations stylistiques qui s'inscrivent dans une expérience de l'écriture : un oratorio in progress. Chaque épisode traite d'une science, est relié a un organe du corps humain, à une couleur et à un personnage de l'Odyssée d'Homère, livre fondateur pour Joyce depuis sa jeunesse.

Le monologue de Molly Bloom dans sa totalité fait une durée de 2h 30 à la lecture. Il est composé de 8 phrases, 8 mouvements (en terme de musique) qui sont signifiés par un simple retour à la ligne, comme des respirations. Chaque phrase s'étend sur une dizaines de pages. Après avoir fait une relecture minutieuse, une analyse dramaturgique, j'ai choisi de garder un tiers du texte. Ce qui a guidé mes pas, c'est l'écoute du tempo intérieur du texte, en le disant à haute voix, ressentir la sensation physique que cela produit, au delà du sens. Rentrer dans la respiration du texte, comme on remettrait ses pas sur les traces d'un autre , sur le sable..

Fascinant, ce monologue torrentiel ouvre sur la nuit où se dillatent les forces telluriques de la parole, du corps de Molly: c'est dans la nuit souvent que l'on s'abandonne, c'est dans la nuit que les amants s'unissent, et que l'on murmure un secret et c'est dans la nuit toujours que se jouent les terreurs enfantines. Il ouvre sur cette nuit de l'inconscient, telle l’ouverture d'un opéra qui se déverse dans une phrase infinie sans ponctuation. Un chant des sirènes qui nous attire vers le large, nous perd dans le courant d’une "marée irrésistible"..." Stream conscientiousness"

En quarante pages, la parole de Marion telle un fleuve, traverse littéralement celui qui le lit et du même coup celui qui l'entend. Molly elle-même est traversée, "trouée" de toute part. Elle dit dans le texte qu'elle est comme un trou. Molly se sert de son corps pour attirer les hommes, elle agit sans culpabilité de manière très instinctive. Son comportement est veule, animal, sans aucune moralité. C'est une femme mariée qui se donne au premier venu. Pour Joyce, Molly représente le sexe. Son rapport au corps est abordé sans tabou, sans barrière morale, de manière très intime, très osé pour l'époque. Elle évoque le sang, les menstrues, le bruit que fait son corps. Molly est libre, sauvage et rebelle, et remet en cause le couple et le mariage. Elle finit le monologue en se remémorant son premier baiser avec son mari sur le rocher à Gibraltar... "et son cœur battait comme un fou et oui j'ai dit oui je veux Oui."


Les sons, les images, les langues (anglais/italien/espagnol), les souvenirs se mèlent au passé et au présent. Ses amants, les odeurs et les visions de Madrid, Algésiras, Dublin, tout se confond, tout se répond, tout est "correspondances" au sens Baudelairien du terme.
C'est sa pensée la plus secrète qui est livrée en direct, la plus crue, tel un magnétophone intime...la "bande" qui se déroule à l'intérieur de nous. ( cf. Beckett)
A sa sortie en 1922, le livre a fait scandale et a été interdit pour obscénités. C'est E. Hemingway qui le réhabilita quelques années plus tard.

Près d'un siècle après je me repose cette question tout naturellement... où est l'obscène? Non pas dans ce texte mais dans le monde tel qu'il est.
Notre monde l'est, totalement. La télévision, la mort filmée en direct, les confessions intimes, le terrorisme de l'argent, la surconsommation, c'est violent et obscène.
Quel est notre rapport au corps, et à la parole..?

Molly, elle chante.

Me revient l'image de Winnie de "Oh les beaux jours" de S. Beckett qui chante alors que son corps est absorbé par la terre, retourne à la terre.
Elle chante en s'enfonçant dans le naufrage de son existence, fragile, légère, joyeuse. Elle a fait naufrage sur les rivages du sommeil, sur la plage, face à l'océan de la nuit. Face à Gibraltar  .

Molly, c'est du Petrucciani, du blues,  du rock, un chant sacré, un psaume, un chant, de toute éternité.

Je chanterai. »

Isabelle Luccioni



Distribution


Actrice  Isabelle Luccioni
Metteure en scène  Isabelle Luccioni
Adaptation  Isabelle Luccioni
Scénographe Toni Casalonga
Création costume Sohuta
Regard/ accompagnement artistique Laurence Bienvenue
Regard dramaturgique Céline Astrié
Créateur Images Bruno Wagner
Créateur Lumières Christian Toullec
Créateur Son Arnaud Romet
Musicien Philippe Gelda
Regard artistique Isabelle Ayache

Production


Compagnie Oui Bizarre
Théâtre Garonne, Toulouse Co- production
Le Parvis, Tarbes Scène Nationale Co- production
Festival de Théâtre de Figeac/ Opéra éclaté/ Saint Ceret , L'Usine.
Théâtre du Hangar, Toulouse
Le Ring Scène Périphérique Toulouse

Accueils résidences


Théâtre sorano/ Jules julien/ Toulouse 2013
Théâtre Garonne /Toulouse 2013
Théâtre le Hangar/ toulouse 2014
Le Ring, Scènes périphériques Toulouse 2013/ 14/ 15
Théâtre Garonne 2015
Saint Cérét décembre 2014

La compagnie Oui bizarre a été accueillie en résidence, dans le cadre du dispositif FABER mis en place par le Conseil Régional Midi-Pyrénées, à l'Usine, Scène Conventionnée pour les Arts dans l'espace public (Tournefeuille/Toulouse Métropole en décembre 2013 (mention OB)



CREATION: Mars 2015 au Théâtre Garonne/ Toulouse dans le cadre de la manifestation "In Extrémis"

DIFFUSION: Le Ring/ Scènes Périphériques/ Théâtre le Hangar/ Toulouse/ Festival de Figeac/Lot

Spectacle subventionné et soutenu par La Ville de Toulouse/ Le Conseil Régional Midi-Pyrénées/ Le Département/ La DRAC Midi-Pyrénées.