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AU PLATEAU 10 COMEDIEN.NE.S
Anouk AGNIEL, Florent BARET, Léa CAMPISTRON, Loïc DEROUINEAU, Aude EVELLIER, Maya MARTINEZ, Lula PARIS, Joséphine PICARD, Mathilde PONSFORD, Julien ROZAN.


METTEUSE EN SCENE – LAURENE MAZAUDIER


Procession. c’est une grande traversée, une déambulation chorégraphique et plastique, une diagonale infinie. C’est une succession de figures saugrenues qui marchent au diapason, les unes à la suite des autres, comme pour une cérémonie absurde dont on ignore le but. C’est un cortège fantasque de figures : La femme poussiéreuse, l’homme téléphone et son ombre amoureuse, l’homme au rouge, une Madone et son dévot, la femme qui s’arrache des larmes et la boulimique à la couronne de fleurs. Pour accompagner ce cortège : une chanteuse lyrique un rien diva, en contrepoint statique, et, témoin de cette parade, une babouchka espiègle, dont la trajectoire chaotique vient casser la linéarité de la procession.

Chacun se présente inlassablement devant le public comme une offrande rituelle. Ils revêtent leurs oripeaux de solitudes, traînent avec eux névroses et espoirs fous et viennent cérémonieusement s’exposer. Se laisser au jugement. 3 pas en avant, 2 pas en arrière et ainsi de suite jusqu’à ce que, leur but atteint, ils reviennent à la queue du cortège et récidivent. 10 figures donc, qui, dans cette célébration, sont autant de Sisyphe acharnés et grotesques. Supplice ou bénédiction, ils s’engouffrent dans cet exercice de répétition, défiant la finitude du temps de la représentation, la finitude du plateau. Et parfois, là, dans cette cérémonie, une parole peut surgir. Mettre des mots sur ces pensées jusque-là tues.

Ce que j’aime, ce que je recherche, c’est un moment d’hypnose, un suspens dans la toile de ce temps commun, au présent avec le public : mettre en place une action prévisible, vue et revue, inscrite dans une trajectoire dont on connaît l’issue et, grâce à ce terreau de certitude, faire fleurir la surprise sans qu’on l’ait vue venir. Pour le spectateur, c’est une invitation à la transe, à entrer et sortir d’une force centrifuge. Tout en maintenant ce doute : ce dont je suis témoin, dois-je en rire ou en pleurer ?


GENESE ET SYMBOLES



Ce projet naît d’insomnies, de ces nuits en pointillés qui convoquent parfois une succession de fantômes, d’images et de figures. Devenus matériaux, tous ces fantasmes ont été mis à l’épreuve d’une forme où je les ai contraints mais aussi du public, pour vérifier leur potentiel d’universel. Est-ce que ce qui me parle, d’une manière indicible, peut toucher l’autre et lui parler différemment ? Comment mesurer ces écarts ?

C’est un amas de symboles vivants, au sens Jungien : porteurs de sens abstrait mais qui touchent au sensible dans les lectures subjectives que chacun peut en avoir. C'est là, du moins, ma prétention. Le symbole vivant est la meilleure expression possible de l’indicible. Il offre à celles et ceux qui le voient la possibilité d’en déplier un sens qui leur appartiennent, un écho propre à chacun.e. Convoquer ce chemin vers l’intériorité en effaçant au plateau toute velléité d’explication, de signification. Permettre de s’abandonner à la solitude de son interprétation.

Dans Procession., c’est cette recherche-là du symbole que je poursuis :

Quelque chose, une image, un costume, une action, une relation, une parole, existe sans chercher à imposer un sens, sans se vêtir d'une signification claire et finit par ne plus appartenir à personne mais à tout le monde.


Je suis seule (extrait)


Sur la photo de classe de maternelle
A Poitier
Dans les miroirs
Dans le fond d’un verre
Ici
Quand je décide
Dans tes bras
A l’after work
Dans ma chambre d'ado
Dans un pantalon trop grand
Devant le mendiant
Dans mes mensonges
Sur des talons
Derrière toi
A la piscine
A Pôle Emploi
Au Leclerc
Dans les huîtres
Auprès du poêle
Sous les baisers de ma mère
A tristesseland
Dans les mains fripées de ma grand-mère
Au gynéco
Quand je ne parle pas Anglais
Dans la compétition
Sur la piste de danse
Dans l’ivresse
Dans ma paranoïa
Nue devant toi
Dans mon lit toute habillée
Dans la ville le matin de Noël
Dans mon cercueil
Dans la jalousie
Dans le ventre