AVEC ET PAR
Valentine Porteneuve
Aurore
La solitude.
On la connaît, on la vit, on la traverse.
On l’aime et on la fuit et on la subit.
Ce seule-en-scène théâtral explore ce que la solitude fait : au corps, au coeur, à la tête.
Une femme, appelons-la Aurore pour le moment, est seule. Elle ne le dit pas, n’en parle pas. Elle passe d’une scène à l’autre, elle est joviale puis honteuse, désespérée ou puissante, elle raconte des histoires ou joue la comédie, elle est dans sa salle de bain ou dans la rue. Elle est seule.
Cette solitude n’est jamais expliquée ni même nommée mais elle motive tous les actes et toutes les paroles de cette femme. Elle rôde et relie les fragments comme une toile de fond, une cause à tout cela. Cette solitude est existentielle, vaste, profonde. Elle n’a pas, dans ce spectacle, de contexte, d’espace-temps, de raison, de pourquoi. On est seul.e et c’est un fait. Mille raisons singulières ou universelles viennent ensuite apaiser ou accentuer ce sentiment profond. Mais m’intéresser à la racine de ce sentiment qui traverse tous les corps et toutes le époques me donne beaucoup de liberté et d’horizons, et en donne plus aux specateurs.trices qui me regardent.
Si je ne m’attarde donc pas sur les raisons de cette solitude, ni sur comment en parler, qu’est ce que je fais ?!
Je cherche, et mon personnage cherche, des réponses concrètes, en actes, à ces questions :
Qui suis-je quand je suis seule ? Comment je vis et traverse la solitude ? Comment la solitude me transforme ?
Aurore, dans différentes situations, invente des moyens, des blagues, du ridicule, des stratégies touchantes mais inefficaces, de la bataille, des rituels, des chiens ou des amis morts.
Elle refuse l’arrêt et la mort dans ce désespoir solitaire.
Elle crie, danse et invente des demandes d’amour.
Elle traduit en actes une volonté de compter, de toutes les manières possibles. Une volonté d’exister, même seule.
Le jeu
Ce personnage passe bien sûr par différentes émotions mais aussi par différents types de jeux. Elle fait des tentatives, elle cherche des moyens pour traverser sa solitude, et pour cela elle se change, se transforme, explore différentes parties d’elle. Elle est multiple.
Il y a cette chose étrange : elle est seule, mais en fait non, des gens la regardent. Le lien au public est très important et est utilisé de plusieurs manières.
Le rapport au public fonctionne comme un miroir grossissant de la solitude d’Aurore, et par rebond, de la solitude existentielle de tout un chacun : elle est seule face à au nombre, elle en a conscience et s’y confronte. Les spectateurs.trices, eux, peuvent se retrouver dans cette traversée-là.
Extraits
« Il y a beaucoup de gens qui se posent des questions artistiques en périodes hivernales, moi pas du tout. Et comme dirait ma mère, tu portes bien ton nom. Elle dirait ça ma mère. Mon nom il veut dire robuste. il veut pas dire patiente, ou prospère, ou goutte de mer. Il veut dire robuste. Je peux attendre longtemps. Je suis forte et résistante de par ma constitution solide. Alors ma tête elle peut rester un moment contre le carrelage. Allo allo !
Après tout, piétiner dans la flotte ça n’a jamais tué personne... Et peu importe la saison. Là j’ai froid mais si j’avais pas froid ce serait pareil et me mettre à chanter n’est pas une option. Rien ne reste dans ta main quand elle est mouillée et que tes doigts sont frippés. Le robinet goutte tu l’écoutes. Ça devient de la musique. Sommaire, certes... »
« je finirais bien par devenir une femme moi aussi pour l’instant mon état de flaque me fait aimer le monde et c’est possible que la pluie m’augmente mais je suis souvent sous les pieds des passants et ça commence à devenir douloureux dans le cou. Je garde tous mes bras avec moi pour avoir moins mal et j’oublie de pleurer en regardant le ciel. Dans le trottoir il y a du bruit et tu peux être une inconnue alors, dans le trottoir et dans le bruit. C’est pas souvent qu’on peut s’étaler autant. Il reste donc cela. de l’eau qui coule pour m’augmenter comme des souvenirs qui tomberaient à l’intérieur de mon corps liquides et vaporeux Ça calme un peu la soif mais pas la peine. Celle qui a un visage de mignonne et qui hurle aux loups, celle qui fait semblant que rien ne se passe dedans, alors que si. »